Saison en cours

Direction musicale Guillaume Paire

Un nouveau programme

« Défense de déposer de la musique au pied de mes vers… »

C’est ainsi que Victor Hugo, sur un ton rageur et ombrageux, aurait interdit de son temps que l’on mît ses poèmes en musique, craignant sans doute que sa parole poétique perde alors de sa vigueur et de son authenticité. Il faudra attendre quelques décennies, une fois que la mélodie française aura trouvé son identité face au lied romantique, pour que les compositeurs s’intéressent véritablement à la poésie. Ainsi, bravant l’interdit hugolien, Gabriel Fauré met en musique en 1875 le poème intitulé « Les Djinns », séduit par sa forme expressive et son propos dramatique.

Mais la musique française entend bien s’affranchir de la poésie visionnaire et emphatique du patriarche Hugo pour s’intéresser à celle de Baudelaire (« La musique parfois me prend comme une mer… ») et surtout celle de Verlaine, poète de l’ellipse, de la concision et de la nuance. Après Debussy en 1886, Julien Joubert (né en 1973) met en musique les « Ariettes oubliées » en 1997, neuf courtes pièces ciselées comme autant de petits diamants dont la musicalité et la légèreté illustrent à merveille la profession de foi du poète maudit exprimée dans son « Art Poétique » :

« De la musique avant toute chose

Et pour cela préfère l’impair

Plus vague et plus soluble dans l’air

Sans rien en lui qui pèse ou qui pose… »

Les « Ariettes oubliées » de Verlaine ont été écrites en 1872 lors de son exil volontaire en Belgique puis en Angleterre, en compagnie de Rimbaud ; et leur tonalité pose question : s’agit-il d’une demande de pardon et de réconciliation auprès de Mathilde, l’épouse délaissée, ou de l’éloge voilé de cette volupté nouvelle, ou bien encore de l’angoisse générée par ce nouveau choix de vie ? C’est sans doute cette dernière hypothèse qu’a retenue Julien Joubert à l’âge de 24 ans : « J’ai senti que si j’avais le talent de Verlaine (…) j’aurais écrit exactement cela (…) ce fait de savoir si la vie qu’on a choisie est la bonne ou pas, quand on a environ vingt ans, ce sont des questions que l’on peut se poser… »